Quand on voit Misha peindre, par touches de couleurs et mouvements rapides, debout face à son chevalet, on ne peut qu’être subjugué. Né en Ukraine, et maintenant installé à Paris, il sait nous compter son histoire, d’où découlent sa passion pour la peinture et sa soif de rencontrer ceux qui apprécient ses toiles, son public.
Ses œuvres, entre expressionnisme et post-impressionnisme, offrent un réel moment d’intimité entre le spectateur et le sujet. En particulier ce sont ses nus avec leurs décors calfeutrés et cette impression de familiarité avec le sujet qui surprennent.
L’équipe de Catalin’arts, admirative de ses oeuvres et de son talent, s’est liée d’amitié avec lui et c’est au cours de plusieurs rencontres dans l’intimité de son atelier, qu’a été réalisée cette interview dont le souhait, outre de vous faire découvrir son univers est de permettre au lecteur de voyager, comme nous l’avons fait, dans l’imaginaire de Misha Sydorenko, et par là-même le transporter.
Catalin’arts : Bonjour Misha, peux-tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs ? Où es-tu né, quelles écoles as-tu suivi … ?
Je m’appelle Misha Sydorenko, je suis né à Lviv, en Ukraine de l’Ouest, proche de la frontière polonaise. La partie Ouest de l’Ukraine a une histoire à part, aussi mixte et diversifiée qu’intéressante. Elle est très différente de la partie Est, où se trouve Kiev, intégrée à l’URSS en 1922, peu de temps après une tentative d’indépendance à l’Ouest.
J’ai été élevé dans une famille d’artistes, de restaurateurs et collectionneurs d’art. J’ai grandi pour ainsi dire comme dans un musée. J’ai l’intime conviction que l’essence même de mon art découle de mon enfance. J’ai commencé à peindre jeune car mon père peignait aussi. Je l’accompagnais toujours dans ses sorties. Il m’emmenait visiter les musées, les studios d’artistes… j’adorais ces moments ! Etre un artiste est naturel pour moi, c’est comme manger et boire, quelque chose de tout à fait vital.
C’est lorsque j’étais étudiant à l’Académie d’Art de Lviv que je me suis mis à peindre de manière intensive. Je lisais également beaucoup et, surtout, j’entretenais des relations très proches avec mes camarades et amis partis étudier les arts à Paris. L’impressionnisme, le post-impressionnisme et l’expressionnisme, de même que l’art européen globalement m’ont beaucoup influencé et je dirais qu’ils ont une part fondamentale dans mon évolution, dans mon « historique » si j’ose dire. J’ai pu développer mon art, ma vision artistique et par là-même, ma propre vie. Je ne fais pas de distinction entre mon art et ma vie, je vis mon art. L’art n’est pas qu’une décoration dans un appartement, l’art est la vie, ma vie…
Catalin’arts : Tu es un artiste contemporain, t’identifies-tu à un mouvement en particulier ?
Il est aisé de me trouver de nombreuses similitudes avec les artistes contemporains, et j’aime d’ailleurs ce qu’ils font. Cependant, je ne pense sincèrement pas en faire partie. Ma manière de peindre est très personnelle.
Catalin’arts : Comment définis-tu ton art ?
Quand quelque chose m’intrigue, touche mes sentiments, par sa beauté ou tout autre chose, c’est un appel en moi, une invitation à peindre. Je peins comme cela : je vois, je mémorise, je rentre au studio pour faire des esquisses et au cours de ce processus je crée l’image finale.
Catalin’arts : Quand et quelles motivations t’on conduit à la peinture et as-tu rapidement trouvé ton style ?
Mon style est en développement permanent. Ce n’est pas un processus avec un état final, une ligne d’arrivée. On trouvera certainement des artistes ayant vécu assez longtemps pour dire, après des décennies à travailler en studio, que leur style est totalement achevé et accompli. Quant à moi, je souhaite continuer à construire ma sensibilité et mon style artistique, m’aventurer à peindre ce que je n’ai jamais exploré. Mon art n’est pas quelque chose que je répète à l’identique chaque jour.
Catalin’arts : Tu n’utilises donc pas toujours les même techniques, ton art évolue sans cesse ?
En réalité j’utilise mes propres techniques et processus : noir et blanc pour le fond, puis les couleurs. Avant tout cela je fais des croquis pour avoir une idée générale de la toile et de ce que je souhaite entreprendre. J’invente au fur et à mesure de la création, il n’y a rien d’arrêté ou de final.
Catalin’arts : Peins-tu sur place parfois ? en extérieur ? Ou te fies-tu à ta seule mémoire ?
Les deux, si nécessaire je peux faire des esquisses et croquis en extérieur, et il m’arrive d’y peindre aussi parfois.
Catalin’arts : Je suppose que ton carnet fait partie de tes indispensables à ne pas oublier lorsque tu pars : les clés, le téléphone… le carnet de croquis !
Oui, totalement. J’emporte ma peinture, mes pinceaux, ce genre de choses, mais c’est parfois difficile, je ne peux par exemple pas emporter du naphta, lourd en voyage – white spirit – car il est très inflammable.
Catalin’arts : Les technologies ont beaucoup évolué. T’arrive-t-il d’utiliser ton appareil photo pour capturer quelque chose que tu aurais vu et le transposer plus tard dans une esquisse ?
Cela m’arrive oui, si je vois quelque chose qui m’intéresse je prends une photo. A vrai dire, je prends beaucoup de photos. Quand tu vois quelque chose via le viseur de la caméra, tu t’en souviens naturellement mieux. Cela m’aide à fixer les sujets dans mon esprit, je prends donc beaucoup de photos à la suite.
Catalin’arts : David Hockney, dont l’exposition se tenait il y a peu à Paris au Centre Pompidou, utilise beaucoup son iPad pour prendre des photos puis ensuite peindre. Il dessine-même, paraît-il, sur son iPad !
J’y suis allé… le dernier jour au Centre Pompidou ! (rires). C’était une exposition très bien réalisée et très luxueuse, avec énormément d’oeuvres rassemblées, c’est important à mon sens de les voir réunies comme un tout.
J’ai également pu admirer les oeuvres d’André Derain, toujours au Centre Pompidou. Je le préfère pour être honnête. J’appréciais énormément son travail lorsque j’étais étudiant. A mon studio j’avais toujours son livre ouvert sur la table. J’ai également vu ses oeuvres au Musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg où j’ai fréquemment séjourné, ainsi qu’ au Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou. Ils ont de nombreuses collections d’art français et j’étais très impressionné par toutes ces œuvres. C’est un petit peu comme le rock and roll qu’on écoutait étant adolescent ou enfant, on s’en souvient toute sa vie ! J’ai été très touché, et même subjugué par tant de beauté.
Derain était un ami de Braque, de Picasso, avec qui il a travaillé (et participé à l’invention du cubisme), et de nombreux autres artistes. Ils utilisaient aussi le pointillisme, créé par George Seurat. Ses oeuvres sont très analytiques, mais en même temps, très sensibles. Il a réussi à connecter ces deux aspects, la rationalité et la sensibilité, c’est quelque chose de très fort chez Derain, et c’est qui m’inspirait tant.
David Hockney dessine sur son iPad : https://www.youtube.com/watch?time_continue=3&v=0jabJKtqK0k
Catalin’arts : Quels autres « maîtres » ont pu t’inspirer ou conforter ton goût pour la peinture ?
Van Gogh, Oscar Kokoschka – plus expressif -, et Paul Gauguin, très différent. Gauguin avait sa “manière de vivre”. Il était très courageux, a beaucoup voyagé, quitté son pays pour la Polynésie, en plein milieu de l’Océan Pacifique, où il a survécu, peint, et finalement, où il est mort. Je pense qu’il est très important dans la vie d’être soi-même, et c’est ce que Gauguin a fait, c’est ce qui en partie me plaît en lui et m’a inspiré quand j’étais plus jeune.
Il y a aussi Pierre Bonnard. Très intime, il peignait des intérieurs, des nus, tout comme Edouard Vuillard, un de ses grands amis. Ils étaient capables d’être très proches du sujet, du modèle, d’une manière totalement originale et efficace, mais aussi très simple. C’est quelque chose qui me parle artistiquement. Son “conte” si je puis le dire ainsi, sa conversation, est limpide pour moi. Voir ses oeuvres est une fête en soi, une fête de couleurs, de rythme, de la vie elle-même. L’art n’est pas que décoratif, c’est bien plus. Ce n’est pas seulement avoir une belle toile dans sa chambre.
Catalin’arts : Cela fait beaucoup d’influences françaises !
En effet ! C’est pour cela que je suis ici à Paris.
Catalin’arts : Tu partages ta vie entre l’Ukraine et Paris. Que représente Paris pour toi et pourquoi cet attachement à notre capitale ?
Paris, c’est la capitale de la culture : je suis ici pour le style, l’art, la peinture, la beauté, l’architecture magnifique… J’adore marcher à Paris, le long de la Seine, quelle que soit l’heure. J’y suis heureux, content, et c’est une chose fondamentale pour moi, d’être heureux. J’apprécie ma vie ici.
En exposant ici j’ai rencontré beaucoup de personnes. J’ai notamment visité l’atelier de Nicolas Gasiorowski et nous avons parlé pendant six heures ! Je l’ai rencontré pour la première fois à son vernissage. C’est, m’a-t-il confié, en voyant mon sourire devant ses oeuvres qu’il a décidé de m’inviter à son studio. Son message disait :“Allez Misha, viens prendre l’apéritif !” (accent français). Belle rencontre également avec Julia Levitina, artiste ukrainienne qui vit maintenant aux USA. Elle est sculpteur, elle dessine, compose de la musique et joue même de la guitare ! Ce sont des personnes extrêmement intéressants et ouvertes au dialogue.
C’est ce que l’art représente aussi pour moi, j’aime partager les idées, les inspirations, l’art, la culture. C’est ce qui permet des rencontres autrement fort improbables. La culture rassemble des personnes totalement différentes et séparées que ce soit par les frontières, l’administratif, la politique et tant de choses.
Catalin’arts : Qu’est-ce qui te motive, t’inspire ? As-tu des thèmes que tu ne te lasses pas d’explorer ?
J’aime les paysages, peindre l’environnement et ce que je trouve beau lorsque je vais dans la rue, mais également la nature que j’adore. L’océan Pacifique, la zone de Malibu, Los Angeles, et San Francisco m’ont transporté lors de mon voyage en Californie. Ce sont des vues impressionnantes et mémorables.
Puis, je dois vous parler de mon amour pour le modèle vivant, les nus, les intérieurs et peindre des modèles en intérieur. C’est le sujet principal de mes oeuvres.
Misha commente et montre certaines de ses toiles à l’équipe Catalin’arts qu’il a réalisées à Paris, en Italie, à Sorento (proche de Naples), dans une région qu’il affectionne particulièrement. Il a également peint à Capri, et explique qu’il a adoré peindre sur une île.
Catalin’arts : Tu voyages beaucoup en Europe. Est-ce que tu réalises tes paysages ou autres sur place, ou t’imprègnes-tu de la scène pour la retranscrire plus tard ? Quelle est ta méthode ?
Je peins sur des petits formats lorsque je voyage, d’abord je fais un croquis et je peins à l’huile face au sujet, j’utilise mes pinceaux, mes couteaux à peindre, mes doigts, tout ce dont je pourrais avoir besoin pour atteindre les résultats escomptés.
Catalin’arts : C’est très organique.
Tout à fait, c’est même une démarche dans ma vie, je veux être organique.
Catalin’arts : Cela te prend beaucoup de temps pour faire des miniatures ?
Deux heures en général et parfois plus. Lorsque je suis en plein air je n’ai pas la même notion du temps. J’essaye de retranscrire le mouvement, mes peintures ne sont pas figées.
Catalalin’arts : Comme dans une photographie ? Mais en utilisant de la peinture évidemment.
Oui mais surtout, je veux capturer le moment, montrer que tout se transforme, tout change. Je ne suis pas un peintre traditionnel qui peint les contours, comme par exemple Nicolas Poussin. Il est très classique, c’était une autre époque et cela a bien changé de nos jours. Je peins différemment, je peins des émotions plus que tout.
Catalin’arts : et des femmes ! (rires généralisés)
Il fallait que le sujet soit abordé ! La femme est le sujet le plus beau au monde selon moi, plus beau que toutes les villes et la nature assemblées, même si les humains, et donc les femmes font partie de la nature. Je peins beaucoup de nus c’est vrai.
Catalin’arts : Essayes-tu de retranscrire au mieux la réalité, ou préfères-tu user de ton imagination ?
Plus jeune, je restais en face du sujet afin de le peindre. Aujourd’hui je travaille beaucoup plus en studio et j’utilise davantage mon imagination. Je transforme ce que j’ai vu. Par exemple j’ai peint la fontaine de Médicis au Jardin du Luxembourg et je l’ai rendue abstraite dans ma transcription. J’y étais l’après-midi et la lumière était particulièrement belle, elle se reflétait dans l’eau, il y avait du monde autour, je voulais capturer ce moment, cette luminosité et l’atmosphère générale. Cela s’est transformé dans mon esprit jusque dans ma toile. Il me faut chercher dans ma mémoire si je puis dire, et reproduire ce souvenir de manière artistique.
Catalin’arts : Tu peins également avec les mains. Tes doigts sont en contact direct avec la toile. Le choix de la matière est-il important et as-tu une préférence pour choisir ce support ?
J’utilise des toiles en lin, matériau très solide et dont j’adore la texture. Je suis très tactile et c’est un critère à mon sens. Il faut que la toile soit résistante, et la surface doit me convenir. J’utilise parfois de la poudre de marbre que je dissous dans mes couleurs pour ajouter du poids et de la texture à la toile. La peinture est quelque chose qui a rapport à la sensitivité, et travailler avec un matériau induit de devoir le toucher, le connaître, comme on l’imagine pour un sculpteur. Cela participe à la réalisation de meilleures peintures.
Catalin’arts : Tu as une palette de couleurs spécifique, peux-tu nous en parler ?
J’ai commencé, lors de mes études, avec la palette post-impressionniste, celle de Georges Seurat.
Mon professeur m’avait expliqué de commencer par le blanc, qu’il faut déjà tout comparer au blanc. Il y a un ordre spécial pour l’application des couleurs sur la palette elle-même, le rouge ici, le jaune par là… Puis en grandissant, j’ai beaucoup changé, mais j’ai gardé cet ordre sur ma palette en main. Leur position est ancrée dans ma mémoire, il y a beaucoup de règles sur les mélanges aussi ; si on fait cela n’importe comment on finit avec des couleurs comment dire… « sales » ! Il faut mélanger avec le blanc, puis vérifier la nuance, la valeur de la couleur. J’ai bien entendu mes préférences en termes de couleurs, j’ai ma propre palette, et cela se voit sur mes oeuvres. J’aime les couleurs chaudes, le jaune, le rouge. En opposition à ces couleurs j’utilise la couleur carmin (note : le carmin est considéré comme un rouge froid, qui tend plus vers le violet), c’est la couleur pour moi qui ressemble le plus à un vin rouge. J’aime le carmin qui tend plus vers le violet aussi, et le rouge vermillon. Pour le bleu j’utilise le bleu outremer, parfois du marron. Avec mes contours qui se mélangent et mon utilisation des couleurs, souvent, on me fait observer que je “dépasse les lignes” sur mes toiles, cela rend mon travail plus abstrait. J’aime faire cela, c’est plus “cool”. Oskar Kokoschka par exemple utilise cette technique, avec des couleurs très solides, vives, et cela rend ses toiles et le sujet plus forts.
Catalin’arts : Combien de temps te faut-il pour peindre une toile ? Travailles-tu sans interruption jusqu’à sa finition ou reviens-tu sur l’ouvrage à plusieurs reprises ?
Cela dépend, généralement tout se fait en une seule session. Je commence avec le noir et blanc, qui doit sécher, puis j’y reviens et je retouche, encore et encore, toujours des retouches. Il m’arrive de retoucher des toiles entamées des mois, voire des années plus tôt ! J’aime retoucher, rajouter des détails, en enlever, détruire des lignes, jusqu’à ce que je sois “satisfait” du résultat.
Catalin’arts : Travailles-tu sur plusieurs tableaux à la fois ?
Oui, je travaille sur plein de toiles en même temps, et souvent je change de toile et j’ajoute des touches par-ci, par-là. Mes tableaux évoluent petit à petit. Lorsque l’on peint, dessine, fait de la musique, nous parlons toujours d’une certaine façon de nous-mêmes, de notre place dans le monde, et exprimons notre vision personnelle : je la mets dans mes toiles de cette façon.
Catalin’arts : Comment organises-tu tes journées à Paris ? As-tu une routine ?
Je vais au studio après avoir pris un café. J’aime travailler le matin, comme Paul Gauguin qui lui commençait ses toiles à 6 heures du matin, pour les finir à midi, de grands tableaux en plus ! Je ne suis pas rapide comme lui bien entendu… Mais je suis matinal. Je peins rarement l’après-midi. Je ne suis pas strict dans mes horaires de travail cependant, je suis flexible.
Catalin’arts : Est-il important pour toi de montrer tes œuvres au public en dehors d’une vente ? Pourquoi ?
J’adore montrer mon art, mes toiles, après le studio l’artiste sort et aime entendre l’avis des gens sur son travail. Je trouve intéressant de créer une connexion avec les autres, ma démarche consiste à partager mon âme, ma vision avec les gens. Ce n’est pas que pour moi, pour que cela reste chez moi à prendre la poussière, le but c’est le partage. Par exemple comme lors de ma visite au studio de Manu Rich, nous avons partagé des idées d’art, des concepts, il m’a montré son travail et je lui ai montré le mien, c’est le principe de la discussion. Cela me donne l’impression de rendre le monde plus beau. C’est peut-être un peu utopiste dit comme cela, mais je le pense vraiment, la beauté peut améliorer le monde. Si l’on fait plus de tableaux, plus d’expositions, cela attirera plein de gens qui n’iront pas ailleurs du coup. Nous poursuivons et cultivons la beauté en quelque sorte. C’est ça la culture.
Catalin’arts : Est-ce difficile de se séparer d’une œuvre ? Conserves-tu certaines toiles que tu ne désires pas vendre ?
Si on me paie cher… ça me va ! (rires). Un collectionneur suisse m’a d’abord acheté deux toiles, puis six… il m’a même envoyé des photos de mes peintures une fois en place dans sa maison ! Lorsque je vois mes toiles dans des intérieurs comme cela, je suis content. Cela se voit dans leurs yeux qu’ils aiment mes toiles, et lorsqu’ils les achètent ils finissent par VIVRE avec mes toiles, c’est encore plus touchant.
Catalin’arts : Quels sont aujourd’hui tes buts et tes attentes ?
Dans un premier temps, je peins parce que je le dois. Je ne peux pas vivre sans peindre. Dans un second temps, je tente de faire de mon mieux, et ce que je considère “au mieux” maintenant a changé graduellement au fil des années. Je veux voir le monde, reproduire ce que je trouve beau, et le partager.
Catalin’arts : Comment et à quel moment choisis-tu le nom de tes toiles ?
Seulement lorsque j’ai fini la toile, pas avant. Ainsi j’ai le sentiment général que me procure la toile, et je peux la nommer. Nommer une toile “Pont-Neuf” par exemple n’est pas l’idéal selon moi, je préfère communiquer une idée, exprimer ce que j’ai essayé de transmettre dans la toile.
Catalin’arts : Quelle est l’étape que tu préfères dans la réalisation d’une œuvre ?
Le début, lorsque je démarre ma toile ! Je prends le blanc et je mélange pouff pouff pouff… je suis très expressif à ce moment-là ! Lorsque j’ai de la place je bouge beaucoup. Je n’ai jamais l’impression d’avoir fini donc ce que je préfère, c’est commencer. Je compare cela à la vie en elle-même qui ne peut pas être parfaite, il m’arrive de penser que je devrais faire mieux, améliorer la toile, c’est difficile parfois dans ces moments. Je suis ravi lorsque je pense avoir fini une toile, puis je la regarde à nouveau, et les doutes arrivent… En fait j’aime tout le processus, et parfois, je l’avoue, c’est déroutant, mais cela peut être aussi très agréable, cela dépend de ce que je ressens, du sujet, tout est connecté. Nous ne sommes pas des machines, personne ne l’est. Nous sommes tous humains, artistes peintres, poètes, musiciens, nous sommes tous influencés par notre éducation, notre nationalité, notre culture etc. Cela se transmet dans notre art.
Catalin’arts : D’après toi l’art est-il utile à la société ? Quel est le rôle de l’artiste ?
L’art est indispensable ! Aujourd’hui si tu allumes la télévision tu vas y voir de la politique et encore plus de politique. Cela devient ennuyant. Où est l’art dans tout ça ? Je pense que l’on devrait en parler beaucoup plus, à la télévision, à la radio, et montrer l’art. Les gens oublient à force, et pensent que l’art est réservé aux professionnels de l’art et ceux qui les entourent, les passionnés d’art, alors que c’est faux. L’art a vraiment une mission dans notre société, plus il y aura d’intéressés mieux ce sera pour nous tous.
Catalin’arts : Te verrais-tu enseigner ton métier et quels conseils donnerais-tu à un jeune débutant ?
Pour être honnête je préfère peindre qu’enseigner. Bien sûr si un jeune artiste me sollicite je serai ravi de l’aider. J’aime les gens et la discussion, donc ce n’est pas un problème. Pour ce qui est d’enseigner j’ai un peu d’expérience en la matière, il y a quinze ans environ, j’ai enseigné le design pendant un temps assez court à l’académie d’art d’Ukraine (Ukrainian Academy of Printing), c’était une sorte d’échappatoire, puis je n’y suis jamais retourné finalement ! Pour moi peindre et enseigner ne sont pas compatibles, déjà au niveau du temps, mais surtout parce que j’ai l’impression qu’un professeur qui va passer son temps à parler aux jeunes et expliquer comment peindre, ce qui rend un tableau beau, et ce pendant des années, ne pourra peut-être pas créer autant…
Catalin’arts : T’arrive-t-il de penser à un autre métier que tu aurais pu ou voulu exercer ?
Musicien probablement ! Je jouais du piano. Ayant grandi dans une famille attirée par l’art je pense que j’aurais fini dedans de toutes manières ! J’ai aussi joué un peu de violoncelle mais j’étais trop vieux. J’adore le son de cet instrument.
Catalin’arts : La question que l’on ne t’a pas posée ?
Je ne sais pas… mes réponses étaient tellement longues que j’ai dû couvrir presque tout ! (rires)
Catalin’arts : Alors chère Natalia nous te laissons le mot de la fin si tu veux bien.
Natalia : Une anecdote alors ! Je me souviens que lors de notre première venue à Paris, nous avions l’impression d’avoir déjà vu la ville, car nous l’avions vue peinte tellement de fois dans les livres d’art, les peintures d’artistes ayant résidé à Paris. Je criais enthousiaste “Mais, j’ai déjà vu cela, et ça, et ça !” (rires). Nous avons visité beaucoup d’endroits lors de ce premier voyage !
Misha : Oui, nous avons visité la maison de Van Gogh et le studio de Picasso, entre autres ! Que de beaux souvenirs !
Catalin’arts : Merci beaucoup Misha pour cet entretien.
Merci à vous, c’était un grand plaisir pour moi.
Interview réalisée en anglais par l’équipe Catalin’arts : Catalina, Nick et Lou
Traduction et mise en page : Victoria
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